Portrait de Rebelle – Hanna

Avril 2022
Interview par Alexandre
Photo par Simon

Hanna

Salut Hanna, merci d’avoir accepté cette interview. Je te laisse te présenter pour mieux te connaître.

Je m’appelle Hanna, j’ai 23 ans. En ce moment, je fais de la musique, je donne des cours de chant et de piano. Et je fais partie d’Extinction Rebellion (XR).

Quand as-tu entendu parler du mouvement pour la première fois ?

J’en ai entendu parler il y a 2 ou 3 ans je crois, par Jack Harries. C’était un influenceur anglais que je suivais sur YouTube qui est devenu activiste pour le climat et il partageait des manifs d’XR. Je voyais les photos sur Instagram et je suivais un peu le parcours du mouvement. Je trouvais que leur message était ultra fort.

Il y a plein d’autres mouvements qui défendent la cause climatique, et même d’autres causes (sociale, animale, etc) qui portent aussi des messages forts. Qu’est-ce qui t’a particulièrement parlé chez XR ?

Le souci du changement climatique, ça réunit toutes les causes. Ça inclut la justice sociale, parce que ce que ça va affecter surtout les minorités, les pays et les classes sociales, les moins privilégiées. C’est aussi la chose la plus urgente, on parle de nos maisons, de notre Terre.


“Ça faisait tellement plaisir de voir cette vitalité, cette force, cette colère !”


Mais après ce que j’avais trouvé très fort chez XR, c’est le logo en forme de sablier et l’idée que « We’re running out of time », le fait de mettre une grande grande pression. Dans les images que je voyais, il y avait une sorte de colère, il y avait plein de jeunes. Ça faisait tellement plaisir de voir cette vitalité, cette force, cette colère ! C’est pour ça que j’ai aimé XR.

Après ce premier contact avec le mouvement, sa découverte, que s’est-il passé pour que tu décides d’en faire partie ?

Il y a eu du temps. Ça fait depuis octobre que je suis dans XR, c’est assez récent.

J’avais bien suivi l’activisme de personnes autour de moi. Ça faisait quand même longtemps que j’avais pris conscience qu’il y avait un problème. Que je me disais que ça me parlait pas tellement le mode de vie qui m’était proposé. J’ai pas envie d’une grosse voiture et d’un métier incroyable et faire plein d’argent. Il y avait quelque chose d’assez déséquilibré qui se passait depuis assez longtemps.

Mais qu’est-ce qui s’est passé pour que je rejoigne le mouvement ? C’est assez drôle, c’est vraiment la colère de nouveau ! *rires*

C’est vraiment lié à mon cheminement personnel en fait. Dans le sens où j’avais l’impression de passer à côté de quelque chose, que j’étais très centrée sur moi alors que je voulais pas l’être. Mais j’ai l’impression que le système te pousse à l’être parce que je dois penser à moi, mes études, ma petite vie. Mais en fait ça me frustrait, je remarquais que c’était pas ce à quoi je voulais penser.

J’avais une sorte de léthargie. J’avais plein d’excuses tout le temps. Mais la nuit où j’ai rempli le formulaire sur le site d’XR, j’ai eu un énorme élan de « Ça y est, je vais pas très bien, il y a plein de chose que je dois encore gérer et régler, mais je vais juste le faire. Je vais envoyer mon inscription. »


“J’ai besoin de créer quelque chose de concret.”


C’était vraiment un truc comme ça, une impulsion. Un moment où je me suis dit que j’arrêtais pas de parler, de penser savoir quels étaient mes valeurs et mes principes, mais qu’en fait ça se reflètait pas dans ma vie. J’ai besoin que ça se matérialise. J’ai besoin de créer quelque chose de concret.

C’était en quelque sorte réduire le fossé entre ce que tu pensais et ce que tu faisais ?

Ouais je pense que c’est ça, ouais.

Et du coup, comment ça s’est concrétisé ?

Je suis allé sur le site d’XR Suisse. J’ai découvert qu’il y avait un site XR Lausanne et que c’était très facile de s’inscrire. Je crois que j’avais fait une insomnie, un truc comme ça. *rires*

Ça demandait de cocher les cases pour les GT (Groupe de Travail) qui m’intéressaient. Je suis allé lire les descriptifs des GT, même si je savais pas ce que voulait dire GT ou en quoi ça consistait. Le GT Outreach et intégration, ça me parlait, je l’avais coché.

Juste après on m’a demandé si j’avais envie d’avoir un parrain ou une marraine pour m’accompagner dans le processus d’intégration du mouvement. J’ai coché oui, car j’avais surtout envie de connecter avec les gens.

Là, c’est Arno qui m’a écrit. Il m’a envoyé plein de PDF pour répondre à mes questions, il me proposait de changer de GT si ça me plaisait pas. Il était super accueillant, plein de bonne volonté. Et après, je crois que je me suis inscrite et le lendemain, il y avait déjà une réu de GT. C’est allé très vite.

Quelles étaient tes impressions après ta première réu ?

Je sentais quelque chose d’assez spécial la première fois que j’y suis allé, quelque chose qui n’était pas cadré par une institution.

C’était assez impressionnant que des jeunes se soient organisé·es pour créer un mouvement aussi actif, aussi grand. Et même au-delà de Lausanne, c’est international. Alors que personne ne leur a demandé de faire ça en fait.

Je savais que tout le monde qui était là avait une raison profonde d’être là. J’avais beaucoup apprécié ça, c’est ce dont j’avais besoin.

Ce qui est peut-être intimidant, c’est de rejoindre un groupe de 5 ou 6 personnes qui existe déjà. Mais je me rappelle la première fois que j’y suis allé, Nikoko était tellement accueillant que j’avais l’impression que c’était un ami de longue date. Il m’avait fait un rap de bienvenue. *rires*

Je me souviens pas de ce rap, j’avais juste été étonnée qu’il le fasse, mais j’ai trop aimé. Il y avait vraiment un truc de lâcher prise.

Après ce premier contact, comment s’est passé ton parcours au sein d’XR ?

Les premières réu, je comprenais rien, ça allait super vite. J’avais l’impression qu’iels parlaient un langage alien. Il y avait des mises à jour de choses dont je ne savais rien. Mais on m’a assuré qu’avec le temps j’allais savoir quel était mon rôle et que j’allais prendre ma place un peu naturellement, et c’est exactement ce qui est arrivé.

Ce qui m’a pas mal aidé, c’est que j’avais rejoint XR deux semaines avant la rébellion d’octobre. J’ai pas fait toute la semaine, j’ai fait juste le dimanche, le premier jour. Ça m’a beaucoup aidé de sentir l’énergie sociale derrière le mouvement, de rencontrer des gens.


Manifestation dans les rues de Zurich lors de la rébellion d’octobre


Qu’est-ce que tu fais maintenant, comment tu es passée de la première réunion à la prise d’un rôle ?

Plus j’en ai appris sur XR, plus je me suis reconnue dans ses valeurs et principes. Ce qui m’a énormément touchée, c’est l’idée de culture régénératrice, de cycles d’actions et de repos.

Ça me parlait parce qu’en moi-même j’ai dû faire un travail pour ne pas être tout le temps dans l’action. Pour me rendre compte que je devais arrêter de culpabiliser quand je ne faisais rien. Et je trouvais absolument dingue que quelque chose qui était une révélation intime fasse partie d’un principe fondamental d’un mouvement aussi grand.


“J’essaye de préserver les liens humains derrière notre objectif commun.”


Je me suis dit, qu’il fallait absolument que j’apporte ce que moi je ressens à ce niveau-là dans le groupe. Ça fait juste 6 mois et je suis encore en train de découvrir quel est mon rôle là-dedans. Mais je suis en train d’imaginer des projets, des manières d’aborder concrètement ce principe-là. Par exemple, je vais organiser une journée de retrouvailles entre les personnes, en dehors de l’aspect activiste.

En plus de ça, j’ai aussi le rôle de coordination interne. C’est moi qui rappelle régulièrement aux gens l’heure et la date des réu. Et maintenant, je me suis un peu plus replongée dans le rôle en comprenant que c’était à moi d’aller vers les personnes qui semblaient être absentes, et qui ne donnaient pas trop de nouvelles. L’idée, c’est de voir si elles vont bien, s’il y a des raisons pour lesquelles elles ne sont pas là, si je peux les aider pour qu’elles se sentent plus intégrées.

Pour moi il y a beaucoup d’intersection entre ces deux rôles. J’essaye de préserver les liens humains derrière notre objectif commun.

Et comment tu vois ton futur dans XR ? Est-ce que tu penses parfois à quitter le mouvement ou au contraire tu vois des trucs que tu aimerais faire ?

Je dois avouer que XR c’est quelque chose d’assez spécifique. C’est un mouvement pour le climat, mais c’est aussi un processus et des demandes spécifiques comme les assemblées citoyennes.

Mettre tous les efforts dans la résistance civile et dans le dialogue avec les gouvernements par les assemblées citoyennes, je suis pas encore décidée là dessus. Je pense que ça va être un point qui va être résolu avec le temps et mon engagement dans XR. C’est pour ça que je me concentre à fond pour trouver dans XR des personnes qui ont des beaux principes : la non-violence, l’inclusivité et tout. C’est une manière de rassembler des ressources.

Un mot de la fin ? Quelque chose à ajouter ?

Non en fait j’ai que des slogans de merde. *rires*

Tu penses à quoi comme slogan ?

Là, c’est « Vive la République », justement, c’est de la merde *rires*

Et juste, unissons-nous, ne nous polarisons pas trop. On est tous et toutes confronté·es à énormément de chose en ce moment et c’est cool d’avoir plus de compassion les uns et les unes pour les autres.